Construire une maison sur le terrain de mon conjoint : suis-je propriétaire ?
Non. En droit français, construire une maison sur le terrain de votre conjoint ne vous rend jamais propriétaire du bien.
La loi est formelle : « La propriété du sol emporte la propriété du dessus » (article 552 du Code civil).
Autrement dit, le propriétaire du terrain est automatiquement propriétaire de ce qui s’y construit.
Mais tout n’est pas perdu : si vous avez participé au financement, vous pouvez faire valoir un droit à récompense.
1. Cas pratique : l’erreur classique du couple bâtisseur
Paul et Sophie, mariés sous le régime de la communauté, décident de construire une maison à Lyon sur un terrain appartenant à Sophie, reçu par succession.
Le couple finance les travaux avec un prêt commun.
Quelques années plus tard, ils divorcent. Paul pense logiquement être propriétaire de la moitié de la maison : « J’ai payé la moitié, donc c’est aussi chez moi ! »
Erreur classique. En vertu du principe de l’accession immobilière prévu à l’article 552 du Code civil, la maison suit le sort du terrain.
Celui qui possède le terrain possède tout ce qui est construit dessus.
Peu importe qui a payé ou construit : la maison appartient uniquement à Sophie, propriétaire du sol.
➡️ En résumé : payer ne crée pas un droit de propriété. La seule issue juridique, c’est le droit à récompense prévu par le régime matrimonial.
2. Le sol commande tout : la loi est sans équivoque
La jurisprudence est constante : « La propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous ».
Ce principe, posé par l’article 552 du Code civil, s’applique même entre époux.
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Le terrain reçu par donation ou succession reste un bien propre.
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La construction édifiée dessus devient elle aussi propre, car elle est attachée au sol.
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L’autre époux, même s’il a financé la construction, ne devient pas copropriétaire.
C’est parfois rude à entendre, mais la loi ne laisse aucune place à l’équivoque :
vous pouvez investir des dizaines de milliers d’euros sur le terrain de votre conjoint sans acquérir la moindre brique.
La seule voie de compensation est le droit à récompense, encadré par les articles 1433, 1437 et 1469 du Code civil.
3. Le droit à récompense : votre seule compensation possible
Le droit à récompense intervient quand des fonds communs ou personnels ont servi à financer un bien qui ne vous appartient pas.
C’est un mécanisme d’équité entre patrimoines, mais pas un droit de propriété : il vous ouvre une créance lors de la liquidation du régime matrimonial.
Exemples typiques :
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La communauté (ou vous-même) a financé la construction sur un terrain propre à votre conjoint.
→ Le propriétaire du terrain garde la maison, mais la communauté a droit à récompense. -
Vous avez investi des fonds personnels sur le terrain de votre conjoint.
→ Vous pouvez réclamer une récompense due par la communauté ou directement à votre époux(se), selon les flux financiers.
Comment se calcule cette récompense ?
L’article 1469 du Code civil précise que :
« La récompense doit être égale à la moindre des deux sommes : celle dépensée et celle du profit subsistant. »
En clair :
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Si la maison a pris de la valeur, on prend en compte le profit subsistant (valeur actuelle du bien).
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Sinon, on retient la somme réellement investie.
Le calcul s’effectue au moment de la liquidation du régime matrimonial, souvent après le divorce, devant notaire.
C’est à ce stade qu’on évalue les apports, les prêts remboursés et la valorisation du bien.
4. Ce qu’il faut retenir avant de construire
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Construire sur le terrain de son conjoint ne rend jamais propriétaire.
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Le seul droit possible est le droit à récompense, qui se traduit par une créance financière lors du partage.
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Conservez toutes les preuves de vos apports : factures, relevés bancaires, échéanciers de prêt, etc.
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Anticipez : un audit patrimonial avant le divorce évite les mauvaises surprises.
Moralité : dans un couple, l’amour construit, mais le droit décide qui garde les clés.
Le propriétaire du terrain reste maître de la maison, sauf convention ou clause contraire.
Mais grâce au mécanisme des récompenses, l’équité peut être rétablie.
5. Une ouverture positive : tout n’est pas perdu
Le divorce ne fait pas disparaître vos contributions.
Même sans être propriétaire, vous pouvez récupérer une partie de votre investissement grâce au droit à récompense.
C’est une créance reconnue lors du partage du régime matrimonial et, selon les cas, elle peut représenter des montants importants.
Conseil pratique : avant toute liquidation, faites calculer votre droit à récompense avec votre notaire.
C’est souvent la clé d’une négociation équilibrée et d’un partage apaisé.
Maître Gilles Busquet – Avocat en droit de la famille et divorce à Lyon
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